Que les puristes ne me jettent pas la pierre mais il m’a été demandé de résumer l’Histoire… La Grande Histoire du Reggae en seulement quelques paragraphes !! Autant dire qu’on va élaguer quelques détails et aller à l’essentiel pour essayer de résumer plus de 60 ans de musique jamaïcaine en se focalisant surtout sur le développement des sounds-systems !
Rappelons tout de même que la Jamaïque est une île ayant subi la colonisation successive des indiens Arawaks (ce sont eux qui ont baptisés l’île Xamayca), des Espagnols (suite aux expéditions d’un certain Christopher Colombus …) et enfin des Anglais à partir de 1655 et ce jusqu’à l’indépendance officielle de 1962. De par sa situation géographique et son développement économique et politique, la Jamaïque a toujours été une terre d’immigration et d’émigration. Au fil de son histoire, la population s’est métissée suite à l’arrivée massive d’africains (la triste et sombre période du commerce triangulaire), d’asiatiques (indiens, chinois) mais aussi d’immigrés du Moyen-Orient comme les Libanais ou les Syriens ou enfin de français et d’européens. Ainsi, la société jamaïcaine du 20ème siècle est très clairement multi-ethnique et se nourrit d’un mélange hybride foisonnant de croyances, de traditions culturelles et musicales diverses et parfois aux antipodes les unes des autres.
Revenons-en maintenant à notre fil conducteur : l’émergence d’une identité musicale unique, qui allait bientôt exploser aux oreilles du monde.
Tout commence avec le Mento, la première musique populaire 100% made in Jamaica ! Une musique très rurale, adopté et développé par les paysans qui y trouvaient réconfort et échappatoire. Le Mento s’est construit à partir des rythmes percussifs africains, du quadrille français mais aussi des rythmes créoles voisins de Trinidad. Les instruments typiques comme la rumba box ou le banjo lui confèrent un style totalement nouveau et original à cette époque (fin 19ème/début 20ème). Quant aux paroles, elle reflète totalement le caractère insaisissable et rebelle d’un peuple qui ne se soumet pas aux traditions bourgeoises et conventionnelles importés d’Europe.
Le Mento avec ses chansons aux paroles grivoises pourrait être considéré comme pionnier du slackness[i] et cette musique a souvent fait l’objet de censure. Mais le Mento sait aussi se faire revendicatif et dépeint la dure condition des paysans exploités par le colon anglais dans les champs de canne à sucre et/ou de tabac.
Un petit (?) saut rapide dans le temps et nous voilà maintenant en 1950. La Seconde Guerre mondiale est derrière nous et a fait basculer le monde dans une nouvelle ère. La guerre a provoqué le déplacement de nombreux militaires aux 4 coins du globe et la Jamaïque n’y a pas échappé. D’ailleurs, étant proche des Etats-Unis et anglophone, l’île a vu l’implantation de plusieurs bases américaines. Les Etats-Unis souhaitent contrôler la région et empêcher l’expansion des « dangereuses » théories communistes venus de l’Est.
Sur le plan musical, la présence de militaires américains va amener la population jamaïcaine à intégrer de nouvelle sonorités (par le biais des programmes des radios américaines notamment) mais surtout de nouveaux instruments (guitares, basses …) et autres matériel sonore (platine vinyle, amplis …). Durant cette période, les jamaïcains découvrent avec enthousiasme et frénésie le Rythm’n blues de Louis Jordan ou Johnny Otis et le Jazz de Dizzie Gillespie ou Charlie Parker. La grande majorité du peuple n’ayant pas les moyens d’accéder aux clubs huppés ou aux bals branchés organisés par les hôtels, certains jamaïcains précurseurs avec peu de moyens mais beaucoup de créativité vont organiser des bals populaires inna jamaican stylee et poser les bases d’un phénomène qui ne s’arrêtera plus : les sounds-systems !!
To be continued …
©Réalisé par Philippe « Papayatik » Muller
[i] Slackness : Le slackness est un genre faisant explicitement référence au sexe et à l’acte sexuel. Le slackness se fait très présent à partir des années 1980 et l’avènement des productions digitales